SPECTACLES

Chère chair fraîche

[Pièce 2024 – En tournée]

Chico et Jen se gavent de nourriture devant leur smartphone, lors de live streams quotidiens. Dans la peau de leurs alter égos Crispy et Neij, ils s’offrent en pâture à des milliers de spectateurs : le public les fixe, les scrolle, les dévore. A tel point qu’un jour, ils ne font plus qu’un avec leurs fantômes virtuels.
Ils émergent alors de l’écran dans un présent éclaté, où quête de validation et fascination pour l’image ont fragmenté leurs identités et cristallisé leurs solitudes.
Est-il déjà trop tard, pour redevenir humains ?

Chère chair fraîche projette corps, aliments et matières de toute part, dans un spectacle où le physique et l’image ont autant de place que les mots. Dans des tableaux mêlant réel et fiction, surréalisme et absurde ; oscillant entre drame et satire, la pièce évoque, au travers du prisme des réseaux sociaux et des troubles alimentaires, la manière dont chacun.e de nous tente de survivre à l’exposition et l’exploitation de sa propre image et de sa propre identité dans le virtuel.

Création contemporaine originale pour 3 interprètes
Production Cᶦᵉ TRAÜ.ME
Texte et mise en scène Charles Mounal
Chorégraphie Alexane François
Avec Kostia Cerda, Chloé Dorémieux, Axel Foucan
Vidéo Sandro Raymond
Scénographie Jehanne Mabilais & Leonie Duschamp ; puis Solène Mongelaz
Création lumière Laura Blanchard

NOTE D’INTENTION

Charles Mounal :
« Comme beaucoup, je vis dans ma propre chair ce rapport ambigu et douloureux au virtuel. Je suis issu d’un milieu rural préservé, très à l’écart de la société : l’irruption du numérique et de ses effets se sont opérés en moi brutalement et radicalement, à l’orée de l’âge adulte. Encore plus avec l’avènement des réseaux sociaux, et depuis que les arts numériques sont devenus une partie de mon métier. Il m’était urgent de retranscrire ce
tiraillement viscéral, par le biais de personnages ayant atteint un point de bascule dans la déréalisation et la dilution de leur identité propre. »

Développer la note d’intention

Jen et Chico s’exhibent à la fois à l’écran et sur scène, jusqu’à l’écoeurement ; dévorant en direct pour le plaisir sadique de leurs viewers. Devenus leurs propres avatars, iels émergent dans un espace dont la frontière réel – virtuel n’est plus tracée, ne pouvant s’empêcher de continuer de s’offrir au public voyeur caché derrière son smartphone -et ici aux véritables spectateur.trice.s de la pièce. Iels cherchent une issue, sans jamais réussir pourtant à se connecter l’un.e à l’autre. Une force au-delà d’eux, incarnée par le personnage de Fred, les vide, les assèche, les fane à mesure que la nature, autour d’eux, se meurt lentement.

Chère chair fraîche traite du « libéralisme de soi » et des effets découlant de la mise en scène de sa personne et de sa propre existence : l’avènement de l’individu tyran, envers soi-même et envers les autres. Par extension, Chère chair fraîche évoque :

  • Les troubles alimentaires et les parades pour combler le vide, coûte que coûte.
  • Le rôle décisif des réseaux sociaux dans ce processus ; rompant plus de liens qu’ils n’en créent.
  • Le rôle de la société de loisirs, prônant une singularité de vitrine, et l’homogénéisation des contenus qui en découlent.
  • L’annihilation de nos capacités d’action par les modalités du virtuel.
  • La nature perçue comme consommable chimérique et exogène à l’humain.

FRESQUE SENSIBLE
Dix tableaux, reliés par les personnages et les thèmes, permettent une narration volontairement explosée, projetant visuels et corps en tous sens. Chacun déploie de nouveaux procédés narratifs, techniques, visuels, corporels. La narration n’est ni linéaire, ni formelle. Nous travaillons en outre le sensoriel ; dans une forme proche de la fresque, de l’impression, du spectacle pictural.

FALSIFIER LE REEL
Ironiquement, le terme « Reels » signifiant «Bobines» (et désignant la succession infinie
de vidéos défilant dans Instagram) a conservé son nom originel dans sa version
française, renforçant l’amalgame réel/virtuel. Nous prenons cette inversion au pied
de la lettre en posant comme repères du réel l’image et l’écran, et en transformant
l’espace scénique en lieu intermédiaire aux contours plus flous.
La scénographie s’articule donc autour d’une nature hors-sol, foulée et cultivée par
utilitarisme pur ; et procédant sur scène d’un mélange entre falsification du réel et
éléments organiques. Nous continuons ainsi notre travail sur la matière, entamé avec
notre création précédente Bloom : corps, textures, éléments physiques et digitaux
modulables.

LA GÊNE DES AVATARS
Nous ne cherchons ni à moraliser, ni à simplifier. Plutôt à dépeindre nos contradictions et l’ambiguïté de nos rapports avec nos alter-ego virtuels, à la fois clones, fantômes et ersatz. La boulimie d’images et le constat mortifère pourraient faire l’objet d’une tragédie sans pudeur : plutôt, nous choisissons de contrebalancer le drame par la poésie, l’évocation, l’absurde, l’humour.
Le « cringe », cette étrange distanciation face à des contenus perçus comme gênants, fait partie du vocabulaire de la pièce. Ces contenus spécifiques mettent mal à l’aise car ils renvoient à notre propre position de voyeur.yeuse.s ; mais surtout au spectacle de la banalité de nos propres existences.

LA CHAIR EN MOUVEMENT
Les interprètes traversent des états très contrastés, du sublime à l’absurde, et jouent une partition de performeur mêlant danse contemporaine et acrobatie ; toujours entremêlée au travail de texte et de jeu. Le travail de recherche est axé autour d’un travail d’appropriation du corps de son personnage, à partir d’appuis concrets, de variations de tonus permettant de soutenir les états d’émotion et de corps nécessaires à la narration ; mais aussi le portage de la voix pour les moments mêlant texte et corps. L’écriture chorégraphique recherchée est nourrie des parcours des interprètes, notamment en acrobatie, floorwork, contorsion, et par l’imprégnation ou «ingestion» des corps dansants ou mouvants proliférant sur les réseaux sociaux. Le corps de l’interprète est modelé entre ouverture sur le soi intime et le soi carapace, entre la chair sensible du sujet, et la chair aliénée et vendue au regard des spectateurs virtuels ou dans la salle.

DISPOSITIF ET LIEN AU VIRTUEL

Fond vert, caméra et écran traversable sont constamment présents sur scène. Ils permettent d’intégrer la projection de vidéos réelles et fictionnelles ; et de renforcer les interactions entre les interprètes et leurs avatars. Chère chair fraîche s’appuie sur deux phénomènes archétypaux des réseaux sociaux : le doomscrolling, attisant à l’infini la solitude ; et les mukbangs : « un phénomène qui consiste à avaler des quantités exagérées de nourriture tout en se filmant et en interagissant avec le public connecté ».

SON : DU SILENCE A l’OVERDOSE
Montrer l’intime sur scène et sur écran relève de deux approches sonores complémentaires. D’une part le vacarme de l’impudeur, entre hymnes sucrées Tiktok et audios Instagram. D’autre part le calme, doux ou dérangeant : l’ASMR (souvent associés aux mukbangs), le silence, et les musiques originales ou empruntées à l’opéra et à la techno.
Sur des musiques de : Musique Post Bourgeoise ; Danielle Licari ; Madben ; et des compositions originales jouées en live par Axel Foucan (trombone).

PARTENAIRES

Lavoir Moderne Parisien

DATES DE REPRESENTATION

  • Mardi 9 avril 2024, Théâtre El Duende, Paris
  • Mercredi 27 novembre 2024, Lavoir Moderne Parisien, Paris
  • Jeudi 28 novembre 2024, Lavoir Moderne Parisien, Paris
  • Vendredi 29 novembre 2024, Lavoir Moderne Parisien, Paris
  • Samedi 30 novembre 2024, Lavoir Moderne Parisien, Paris
  • Dimanche 1er décembre 2024, Lavoir Moderne Parisien, Paris

Crédits photo : Guillaume Périnelle